POURQUOI LES GARÇONS SONT MOINS FORTS QUE LES FILLES À L'ÉCOLE [FR]
Mixité à l'école : la fin d'un dogme [FR]

Les effets pervers de la cohabitation filles-garçons sont mis en avant par des travaux de sociologues. Des expériences de séparation sont menées dans les autres pays développés, mais en France, la mixité est une valeur aussi ancrée que la laïcité.
Elles sont trois filles, assises sur la balustrade, devant le portail de leur lycée parisien. Jean serré, bouche maquillée. Ultraféminines. «S'il n'y avait pas de mecs? On y penserait encore plus, lance Julie avec un rire provocateur. Et puis entre filles, c'est supermesquin: jalousies, commérages…» Mais à côté d'elle, Mylène tempère: «En fait, ce serait peut-être moins dur. Les filles moches, ou celles qui ne sont pas populaires, ça doit être très violent pour elles, le regard des garçons.» Et la troisième de conclure, philosophe: «Ça dépend ce que tu cherches au lycée. Si tu veux bosser, c'est sûr que c'est mieux de pas être trop distrait par le reste. » Julie et ses copines ont du mal à imaginer ces temps lointains et barbares où filles et garçons vivaient séparés. Elles ne savent même pas que c'est une revendication de mixité dans la cité universitaire de Nanterre qui finit par embraser le printemps 1968. La mixité est pour elles une évidence. Comme elle le fut longtemps en France, depuis que la loi Haby la rendit obligatoire en 1975, faisant d'elle un élément aussi important que la laïcité dans l'édifice républicain français.
Mais la plus lumineuse des évidences finit un jour par être mise en question. Et la mixité ne fait pas exception. Quand la très sérieuse sociologue Marie Duru-Bellat, auteur d'ouvrages vantés par l'ensemble des tenants du progressisme scolaire, et insoupçonnable de dérive réactionnaire, publie cet été dans la revue de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) un article intitulé «Ce que la mixité fait aux élèves», le débat, très vite, s'anime. D'autant que la Revue française de pédagogie s'apprête à publier à son tour, sous la direction de la même chercheuse, un numéro consacré à ce sujet.
Meilleurs résultats pour les filles
Avant cela, toute remise en cause, et même toute interrogation sur les effets de la mixité, semblait intolérable. Michel Fize, auteur en 2003 des Pièges de la mixité scolaire (Presses de la Renaissance) en a subi les conséquences. Depuis, son argumentation a pourtant fait florès: toutes les études le prouvent, les filles obtiennent de meilleurs résultats à l'école, toutes catégories sociales confondues -même si les écarts se creusent au fur et à mesure que l'on descend dans l'échelle sociale- mais elles ont une moindre estime d'elles-mêmes que les garçons, se perçoivent comme moins brillantes, et s'orientent majoritairement vers des filières peu valorisées. «Tous les professeurs vous le diront, remarque François Portzer, professeur d'histoire-géographie, les filles sont moins dans une attitude d'opposition contre le système. Il faut dire que les images de réalisation de la virilité qu'on offre aux garçons passent par le foot, pas par l'école.» Résultat, des garçons plus turbulents, et des professeurs qui leur accordent 56% de leur temps, contre 44% aux filles.
Pire, certains s'inquiètent de l'effet potentiellement délétère de la mixité scolaire sur les garçons. «Il faut arrêter de croire que les enfants sont des anges asexués, proteste Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l'IUFM de Créteil et auteur de Sauvons les garçons! (Descartes & Cie, 2009). Dès l'apprentissage de la lecture, on voit que les filles s'en sortent mieux. Parce que l'apprentissage se décompose en différents moments, énoncé, exécution, vérification, correction et finition. Or les petites filles apprennent très tôt à exécuter des tâches, comme aider à mettre la table… Elles ont intégré ce processus. Les garçons, surtout dans les milieux populaires, sont souvent élevés comme des petits rois et ne sont donc pas préparés au métier d'élève. Au moment de la découverte de la différence des sexes, vers 5-6 ans, le garçon est tenté d'en conclure que l'école est faite pour les filles.» À cette différence culturelle, on peut ajouter une différence naturelle, celle d'une puberté plus précoce chez les filles, qui peut, à l'adolescence, perturber certains garçons.
«En 2003, se souvient Michel Fize, j'avais été conspué parce que j'avais écrit qu'il y a des différences physiologiques entre filles et garçons, et qu'on pouvait en tenir compte à certains moments du développement. Mais de toute façon, la donne a changé.» Car beaucoup l'ignorent, mais depuis 2008, la mixité n'est plus obligatoire en France. La retranscription d'une directive européenne sur les discriminations avait permis d'introduire dans la loi l'autorisation d'aménagements de la mixité pour certains enseignements.
La loi du 15 mai 2008 a ému les défenseurs de l'égalité homme-femme car elle coïncidait avec des revendications de groupes religieux pour revenir sur ce principe fondamental de l'organisation de l'école. C'est encore cette crainte qui limite la réflexion sur la question. Et qui fait de la France une exception puisque les écoles non mixtes ont fait l'objet, dans les années 2000 d'expériences diverses aux États-Unis, au Canada, en Allemagne, ou en Grande-Bretagne. Aux États-Unis, c'est George Bush qui avait autorisé ces expériences dont les résultats ont été jugés très positifs pour les filles issues des minorités. Encore ces jeunes filles étaient-elles toutes volontaires, ce qui fausse l'évaluation. Mais la revendication émanait autant de féministes radicales voulant sortir les filles des déterminismes sexués que d'extrémistes religieux. En Allemagne, où il s'agissait de développer des enseignements non mixtes, en sciences physiques ou en informatique, les résultats étaient très positifs pour les filles, même si leur réinsertion dans des classes normales, où elles se heurtaient à des stéréotypes renforcés, était difficile.
En France, où n'existe pas la tradition anglo-saxonne de séparation des sexes dans l'espace social, seul le privé hors contrat développe, de façon très marginale, des classes non mixtes. Dans l'enseignement catholique sous contrat, où la non-mixité est peu à peu devenue rare, on se veut prudent. Pour Claude Berruer, secrétaire général adjoint de l'enseignement catholique, «il faut avoir conscience que la mixité ne contribue pas forcément à une égale dignité garçon-fille. Mais un retour en arrière ne serait pas la solution. Bien sûr, nous avons des familles, notamment musulmanes, qui expriment des réserves et mettent le doigt sur des façons de vivre la mixité qui ne respectent pas la pudeur. On se désole du machisme, mais il faut réfléchir sur ce qu'on donne à voir du rapport au corps dans nos sociétés.» Et de fait, les quelques classes non mixtes de l'enseignement privé sous contrat sont plébiscitées.
Respecter la sensibilité des adolescents
Ainsi, le célèbre établissement Saint-Jean-de-Passy, dans le XVIe arrondissement de Paris, ancien lycée de garçons, s'est ouvert aux filles pour le primaire, puis pour le collège et le lycée. Mais le choix a été fait, au collège, de conserver des classes non mixtes. «Nous avons toujours pensé qu'il y avait une complémentarité des sexes, plaide Marie-Odile Idrac, qui dirige l'établissement depuis un an. Nous aménageons de longs moments de mixité, pendant les repas, les récréations, mais nous avons voulu développer une approche originale, respectant la sensibilité des adolescents.» Et dans les examens qui sont mixtes, les filles s'en sortent avec en moyenne deux points de plus que les garçons.
Au collège Stanislas, dans le VIe arrondissement, on laisse le choix aux élèves. Philippe, dont le fils est entré cette année en 4e, raconte: «Dans son ancien collège, Clément était classé “intello”. Il était harcelé par des garçons, souvent poussés par des filles plus mûres qu'ils voulaient impressionner. Mais à Stanislas, il est finalement dans une classe mixte, et cela ne pose aucun problème. Pour une raison simple: tout le monde est là pour travailler, pour apprendre. Garçons et filles jouent le jeu parce qu'ils savent que sinon, ils sont virés.»
De l'autre côté de l'échelle sociale, Mourad Rebrab, professeur à Belfort, observe lui aussi que les problèmes liés à la mixité révèlent surtout des carences de l'école. «Les filles sont en moyenne meilleures, mais elles sont plus fragiles. On en voit qui basculent et deviennent ingérables à la suite de problèmes familiaux graves, parce que personne n'est là pour les écouter. Chez elles, elles n'existent pas. On n'a pas de solution, on les exclut parce que le collège unique ne sait pas prendre en charge les élèves déviants.» Les garçons, eux, s'enfoncent dans l'échec et dans la frustration. Les filles ont gagné le droit d'être instruites au moment où l'école renonçait à la transmission au profit de nouvelles pédagogies. Mieux préparées à une absence de cadre, elles s'en tirent mieux, mais au prix de relations dégradées et violentes avec les garçons.
S.O.S. Garçons

"L'école est sans aucun doute un des seuls lieux où le genre masculin est une particularité disqualifiante" écrit Jean-Louis Auduc, dans l'introduction à son nouveau livre "Sauvons les garçons !". L'ouvrage met en avant les difficultés scolaires des garçons dans le système éducatif français et propose des explications. "Dès le primaire, un bon élève c'est un ensemble d'attitudes : des devoirs soignés, être à l'heure…, ne pas s'agiter… Or la prégnance du modèle traditionnel dans la famille contribue à développer chez les filles des qualités d'écoute et d'ordre. Alors que faire ? Des remèdes existent… Jean-Louis Auduc nous en parle.
Votre livre est à la fois un appel et, un peu, une provocation. Vous dites que « l’ échec scolaire a un sexe » et que c’est le sexe masculin. On a tellement en tête une image contraire qu’on a du mal à vous croire. Sur quoi vous appuyez-vous ?
Cet ouvrage se veut une contribution à la lutte contre l’échec scolaire, notamment en examinant de près les caractéristiques des élèves concernés. Or, sur la base des statistiques 2008 et 2009, étudiées par genre, il apparaît que tous les objectifs fixés par les différentes lois votées ces dernières années concernant le système éducatif :
• 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat
• 95% d’une classe d’âge au niveau CAP ou BEP
• 50% titulaires d’un diplôme du supérieur
sont atteints pour les filles (1) et qu’on en est très loin pour les garçons.
Ainsi, on globalise souvent les statistiques concernant les difficultés en lecture. Les statistiques 2009 montrent pourtant qu’il y a 15% des garçons à avoir de très faibles capacités
Très faibles capacités 8,9% 4,9%
Difficultés sévères 6,1% 3,6%
Lecteurs très efficaces 59% 70%
Les filles durant leur scolarité lisent donc plus vite et mieux que les garçons, redoublent beaucoup moins qu’eux à tous les niveaux du système éducatif, échouent moins dans l’obtention de qualifications, ont plus de mentions à tous les examens et diplômes, du second degré comme du supérieur.
Connaître les caractéristiques de ceux qui sont en échec scolaire m’apparaît indispensable pour mieux le traiter et aussi pour que l’échec chez certains garçons ne se transforment pas en frustration vis-à-vis des filles et ne conduisent pas à des actes de violence. Pour pouvoir mieux combattre certains comportements violents, il faut donc en connaître toutes les causes et essayer de les éradiquer ou tout du moins de diminuer autant que l’on peut, leur impact.
Pendant trente ans, on a vécu avec l’idée que la mixité réglait en soi les questions d’égalité. Il faut en revenir à l’épreuve des faits. Il ne suffit pas de mettre des garçons et des filles ensemble pour que règne l’harmonie et l’égalité entre filles et garçons.
Avons-nous suffisamment conscience de ce qui se joue pour les garçons, quelle que soient leurs origines, dans les premières années de leur vie à l’école ? Avons-nous réfléchi aux difficultés d’adaptation de plus en plus nombreuses des garçons par rapport aux filles dans l’espace scolaire ? Les garçons en difficulté scolaire face à des filles en réussite scolaire qui apparaissent plus en connivence avec des personnels massivement féminins, ont tendance à se sentir humiliés et à vouloir montrer à ces dernières qu’ils sont quand même les plus forts en les bousculant, en les agressant physiquement, voire sexuellement. Pour combattre efficacement les violences machistes, il faut donc voir comment l’école d’aujourd’hui est vécue par un nombre de plus en plus important de garçons.
Mais ces différences apparaissent à quel moment ? Elles s’accentuent tout au long du système scolaire ou elles s’atténuent ?
Il y a deux moments décisifs :
L’entrée dans les apprentissages de la lecture et de l’écriture : Les garçons sont plus souvent en difficulté : dans 15% des cas contre 8,5% pour les filles. Ils réussissent moins bien les épreuves de compréhension et sont plus nombreux que les filles dans les profils les plus faibles. Ils présentent aussi plus de déficits dans les mécanismes de base de traitement du langage. Les élèves en difficultés lourdes de lecture sont 7 garçons pour 3 filles. Il y a un vrai enjeu concernant la réussite des garçons tout au long du cursus, car on sait combien les difficultés de lecture pèsent sur la suite de la scolarité.
Le moment de la 5e/4e au collège : Les filles réalisent à l’école et au collège de meilleurs parcours scolaires que les garçons. A 14 ans, les filles sont pour plus des deux tiers en troisième contre la moitié des garçons qui, à cet âge, sont environ un tiers à être encore en quatrième contre un quart des filles. Dans l’école française, le moment décisif concernant l’orientation des élèves se situe entre la classe de quatrième et la classe de troisième. Il touche donc les jeunes à l’âge de 14/15 ans.
Or, à cet âge où se joue une grande partie de ce qui va faire la réussite ou non du parcours scolaire des jeunes, où l’institution leur demande de construire un projet personnel, tous les spécialistes de la psychologie de l’adolescence le disent, c’est le moment du plus grand écart de maturité entre les jeunes garçons et les jeunes filles.
C’est l’importance de ce moment qui explique le poids des garçons dans le décrochage scolaire ou dans les structures accueillant des jeunes en difficulté.
Classes de SEGPA 70% 30%
Dispositif « soutien » collège 63% 37%
Dispositifs Relais 78% 22%
Au total pour l’accès du classe d’âge : au niveau « bac » , on a 64% des garçons et 76% des filles, pour la réussite au baccalauréat, 57% des garçons, 71% des filles, pour l’obtention d’un diplôme du supérieur (Bac+2 et plus), 37% des garçons, 50,2% des filles, pour l’obtention d’une licence, 21% des garçons, 32% des filles.
Comment expliquez-vous cela ? Les filles sont-elles plus intelligentes ? Plus douées scolairement ?
Ce serait une erreur de penser que l’écart garçons-filles pourrait venir fondamentalement de différences biologiques ou génétiques. Les explications à cet écart garçons-filles à l’école sont multiples et complexes :
J’ai déjà évoqué l’écart de maturité filles-garçons au moment de l’orientation.
Les professions qui interviennent autour de l’enfance et de l’adolescence, comme celle qui sont en prise avec le quotidien de la population, se sont en vingtaine d’années massivement féminisées. Notre société doit s’interroger sur le fait qu’aujourd’hui, entre 2 et 18 ans, les jeunes vont ne rencontrer pour travailler avec eux que des femmes : professeurs (80,3% de femmes dans le premier degré ; 57,2% de femmes dans le second degré, BTS et classes prépas inclus), chefs d’établissements, assistantes sociales, infirmières, avocats, juges, médecins généralistes, employées de préfecture ou de mairie, voire juges, tous ces métiers sont de manière écrasante féminins. ….. …
Les filles ont donc durant leur cursus scolaire et leur adolescence, présentes devant elles, des semblables, femmes référentes, auxquelles elles peuvent sans peine s’identifier, ce qui pour une bonne part expliquent également qu’elles souhaitent, leurs études réussies, rejoindre ces métiers qu’elles jugent valorisants. On peut en effet, penser que les filles se dirigent plus spontanément à la fin de leurs études vers des métiers qu’elles rencontrent pendant leur scolarité, avec lesquelles elles peuvent s’identifier, dont elles ont pu faire d’une certaine manière des modèles des personnes qui les exercent. Les jeunes filles construisent donc souvent un cursus scolaire adapté au métier choisi ce qui leur permet de réussir, mais il ne faut pas mettre de côté le fait que cette identification peut éventuellement freiner leurs ambitions.
Les mutations dans la structure familiale doivent, en effet, être prises en compte. Il n’y a pas que la monoparentalité féminine qui peut poser problème aux garçons. Dans les familles recomposées, restructurées, voire décomposées qui se développent de plus en plus et sur lesquelles il faut s’interdire de porter le moindre jugement, la femme le plus souvent apparaît comme le pivot permanent, solide, constant autour de laquelle la composition familiale va évoluer au fil du temps. Un tel positionnement de la mère en tant que pivot ne peut pas ne pas avoir des conséquences sur l’image que se fait de lui-même le garçon à l’âge de la puberté et des questionnements sur son devenir.
De plus, les deux-tiers du travail parental selon une étude de la Caisse National des Allocations Familiales (CNAF) de mars 2009 pèsent sur les épaules des femmes. Ce sont elles qui s’occupent dans la plupart des cas, de l’habillement, des accompagnements à l’école, des devoirs scolaires, du coucher des enfants.
Sont-elles plus soutenues scolairement par les parents ?
Les différences de réussite scolaire garçons-filles qui se manifestent dès l’école primaire peuvent sans doute s’expliquer par des représentations sur les activités des filles et les activités des garçons qui ont perduré aujourd’hui alors que la situation économique et sociale a profondément changé. Les mentalités changent plus lentement que les mutations bouleversant l’organisation de la société.
Ainsi, certains parents peuvent-ils penser encore aujourd’hui, comme c’était la réalité pendant les générations précédentes, que :
- les garçons peuvent ne pas réussir à l’école, car grâce à leur force physique ils pourront toujours trouver des emplois ouverts aux non-diplômés dans le secteur primaire (agriculture, mines, ou pêche) ; autant d’emplois existants il y a une ou deux générations et disparus aujourd’hui… Cette croyance, hélas erronée, peut conduire des parents à ne pas être très attentifs à la scolarité de leurs garçons en pensant que leur insertion dans l’emploi sera plus facile que celle des filles…
- les filles à l’inverse, aux yeux de nombre de familles, doivent nécessairement avoir un certain bagage scolaire pour trouver un emploi, et ce depuis des générations, puisque les emplois du secteur primaire leur étaient quasiment interdits…..Ces parents ont donc tendance à se soucier très tôt des apprentissages scolaires et des résultats scolaires des filles car ils leur accordent beaucoup plus d’importance qu’à ceux des garçons dans l’optique de leur vie future….
Il faut aussi voir que pèsent également sur les garçons la disparition de tous les rituels d’intégration sociaux à un moment donné de leur vie et le flou régnant entre 16 et 25 ans autour de l’entrée dans l’âge adulte.
Dans la construction de sa personnalité, le jeune, spécifiquement le garçon, parce qu’il vit moins dans son corps le passage à l’âge adulte, a toujours eu besoin de rites d’initiation, de transmission et d’intégration. Ceux-ci ont été longtemps religieux (confirmation, communion solennelle) et civiques (les « trois jours » ; le service national). Aujourd’hui, il n’existe quasiment plus de rites d’initiation et de transmission, ce qui, la nature ayant horreur du vide, laissent le champ libre à des processus d’intégration réalisés dans le cadre de « bandes », de divers groupes, voire par des sectes ou des intégrismes religieux.
Il y a quelques jours, lors d’un colloque organisé par Paristech, la directrice des relations internationales du ministère de l’éducation finlandais, Eva Penttilä, expliquait que dans ce pays phare pour son égalitarisme et sa réussite scolaire, un écart énorme s’est creusé entre filles et garçons, 70% des filles obtiennent un diplôme du supérieur contre 45% des garçons ( un taux qui fait quand même rêver !). Pensez-vous que la féminisation du corps enseignant puisse aussi jouer ?
Les chiffres de la Finlande pour le premier diplôme du supérieur sont assez similaires aux résultats français concernant l’obtention d’un baccalauréat, ce qui en terme d’années d’études et de modes de sélection après la scolarité obligatoire revient à peu près au même. L’écart filles-garçons qui existent dans tous les pays développés, notamment européens, me semblent ressortir aux causes exposées plus haut.
Toutes les études montrent également que très tôt les élèves accordent une attention croissante aux résultats scolaires, aux appréciations de l’enseignant, concernant leurs camarades de classe de manière à se situer les uns par rapport aux autres, notamment lorsqu’il y a notes et sélections, ce qui est le cas en Finlande après la scolarité obligatoire. Les études menées montrent qu’individuellement, en dépit de la mixité dans les classes, les élèves se comparent délibérément à l’intérieur de leur groupe de sexe.
Une telle information suggère que prendre un élève comme exemple pour stimuler les autres n’a d’influence dans le meilleur des cas que sur ceux du même sexe que le modèle. Aucun, aucune élève ne peut donc avoir valeur d’exemple pour tous.
S’appuyer, pour une enseignante femme ou un enseignant homme sur le groupe des élèves filles en réussite scolaire qu’on met en avant, en se disant que cela fera bouger tous les élèves de la classe apparaît donc comme une démarche inefficace et peut-être même contre-productive.
Il faut aussi savoir que les élèves choisissent la plupart du temps leurs références non seulement chez des élèves de même sexe qu’eux mais qu’ils jugent à leur portée. L’élève qui aura 5/20 accorde ainsi plus d’attention à des camarades de classe pourvus d’une moyenne de 6 ou 7, qu’à ceux qui ont 14.
Ainsi se met en place une spirale dangereuse : des élèves garçons en difficulté plutôt que de se comparer à des filles en réussite, se focalisent au contraire sur leurs camarades de classe dont les résultats scolaires sont pires encore que les leurs. De nature à les rassurer, cette comparaison n’autorise aucun progrès. Ces élèves sont durablement installés dans leurs échecs et leurs difficultés scolaires parce que satisfaits, précisément, de ne pas être tout à fait les derniers.
Face à ces questions, la présidence suédoise de l’Union européenne organise les 17 et 18 novembre un colloque auquel je participerai à Uppsala (Suède) sur « les différences dues au genre dans les systèmes éducatifs » avec notamment une table ronde sur « Ségrégation par genre et garçons marginalisés
Peu de disciplines ont réfléchi sérieusement à la parité (à ma connaissance, seule, l’EPS). Que peuvent faire les enseignants ?
Rappelons-nous aussi qu’il est sorti depuis vingt ans des dizaines d’ouvrages, concernant notamment l’école maternelle et élémentaire pour aider les petites filles à réussir, leur permettre de mieux comprendre les manuels scolaires. Ce qui est significatif, c’est qu’à ma connaissance, il n’est pas encore sorti d’ouvrages concernant l’enseignement en maternelle et en élémentaire consacrés à des pédagogies possibles visant à la réussite des garçons.
Pour permettre à chacun de se sentir bien quels que soient les difficultés, il peut être intéressant par exemple à l’école primaire de travailler spécifiquement quelques heures avec les garçons sur le vocabulaire, les modalités de compréhension à l’œuvre dans l’action de lecture, pour leur assurer un apprentissage dans de meilleures conditions avec l’ensemble de la classe. Et ce, d’autant plus si certains garçons pensent que « la lecture, c’est une affaire de filles ». Il peut s’agir de mettre en place une pédagogie différenciée garçons/filles passant par des moments séparés pour quelques heures.
Plutôt que de voir dans une classe de collège, les garçons se replier au fond et s’agiter durant une classe de français où les filles les dominent dans la maîtrise du langage écrit ou oral, il peut être plus utile de prévoir une division en deux groupes, l’un de filles approfondissant telle ou telle notion et un de garçons, travaillant spécifiquement sur les compétences de base pour leur permettre de progresser en classe entière.
Il s’agit en quelque sorte de construire pour des garçons qu’on sait très en retard sur les filles sur les compétences nécessaires en français, des programmes personnalisés de réussite éducative où ils pourraient sans crainte du regard des filles, travailler spécifiquement quelques heures par semaine sur ces questions afin de mieux rattraper le niveau exigible par la nation pour tous les élèves.
On a quand même l’impression que l’orientation plus négative des filles inverse le résultat final. Ne s’interdisent-elles pas les filières d’excellence ? Etes-vous d’accord pour dire qu’au bout du compte (intégration professionnelle comprise), les filles s’en sortent moins bien ?
Les diplômes où les filles ne sont pas majoritaires dans le système scolaire en 2008 sont avant tout les formations professionnelles dites courtes où les filles sont sous-représentées par rapport aux garçons (conséquence de leur meilleure réussite scolaire).
- Brevet des collèges , série professionnelle
- CAP
- BEP
- Bac STI (Sciences et technologie industrielle)
- Bac STAE (Sciences et technologie de l’agronomie et de l’environnement)
- Bac professionnel
Les seuls garçons qui « surnagent » en proportion bien moins importante que les filles sont les garçons qui font le choix d’aller le plus loin possible dans l’école sans se préoccuper d’un métier à priori identifié. Le plus souvent, c’est l’environnement familial qui les pousse à adopter ce comportement, ce qui est un des facteurs expliquant le fait que pour certaines grandes écoles, la « démocratisation « a reculé au profit d’une situation où ce sont les réseaux familiaux qui restent les plus prégnants.
Les filles dans l’ensemble des baccalauréats scientifiques ont plus de mentions très bien ou bien que les garçons et aux Olympiades de la Chimie (XXIVe édition. 2009), les filles « trustent » deux des trois premières places pour les classes terminales, et huit premières places sur dix pour les classes de première….
Cet accroissement des diplômes a eu, avant la crise, des conséquences sur l’emploi féminin : « Pour les sortis de formation initiale depuis 1 à 4 ans, le chômage des femmes est globalement de 14,8%, celui des hommes de 17,1%. En 2007, les femmes sont aussi nombreuses globalement que les hommes à occuper un emploi à durée indéterminée alors que dans les générations précédentes, les femmes étaient plus souvent employées à durée déterminée » (Note CEREQ n°248, janvier 2008)
L’erreur est de penser que « le plafond de verre » qui existe toujours proviendrait des inégalités hommes/femmes dans la formation initiale des jeunes, alors qu’il provient de la répartition du travail et des tâches parentales dans la société qui ne s’est pas modifiée ces quarante dernières années.
Etablir une véritable égalité homme/femme dans la réussite scolaire des uns et des autres permettrait sans nul doute de pouvoir aborder dans l’éducation une autre image de la répartition des tâches entre hommes et femmes dans la société. Vouloir le faire aujourd’hui alors que les jeunes garçons se sentent défavorisés, et ils le sont de fait, dans l’école ne peut que conduire à des échecs.
Je me demande donc si la question n’est pas davantage posée aux garçons des milieux populaires ( l’équivalent des pauvres blancs des écoles anglaises) plus qu’aux garçons en général. Question de culture de classe ou question de genre ?
Il est difficile d’avoir des enquêtes mêlant genre et catégories sociales. La DEPP en a mené une tout récemment sur les enfants nés en 1997 concernant le redoublement à l’école élémentaire. Les filles de parents ouvriers ont des résultats similaires (21% de redoublantes) à ceux des garçons, enfants de parents employés. Les filles de parents employés avec 17% de redoublantes ont des résultats similaires à ceux de garçons enfants de commerçants, d’artisans, d’agriculteurs.
Toutes les catégories sociales ont un écart entre les résultats des garçons et des filles, en faveur des filles, même si l’écart est beaucoup plus important pour les enfants d’agriculteurs, d’inactifs et de commerçants et d’artisans que chez les enfants de cadres ou d’employés.
Cet écart est de :
- 10 points pour les enfants d’agriculteurs
- 9 points pour les enfants d’inactifs
- 7 points pour les enfants de commerçants ou d’artisans
- 6 points pour les enfants d’ouvriers
- 4 points pour les enfants d’employés
- 3 points pour les enfants de cadres
Certes, cet écart est sans doute accentué dans les familles dont les parents ont pu immigrer d’Afrique du Nord, d’Afrique noire, de Turquie, du Pakistan, il y a une ou deux générations. Dans ces familles, les filles peuvent se sentir valoriser dans l’école ce qui n’est pas toujours le cas à la maison où elles sont l’auxiliaire de la mère, alors que les garçons peuvent être considérés comme des « petits rois » à la maison et sont considérés comme des personnes comme les autres à l’école.
Votre livre à la forme d’un appel. Que préconisez-vous ? Des écoles unisexes comme on a en connu ?
Le constat sur la « fracture sexuée » ne doit donc pas déboucher sur une remise en cause systématique de la mixité dans les classes, mais il nous oblige à réfléchir sur la manière de gérer dans le quotidien cette réalité..
Il n’est plus possible de se contenter de gérer une mixité, qui serait seulement mettre des garçons et des filles ensemble avec l’intention de ne pratiquer aucune différenciation basée sur le genre. Il n’est pas sûr que des classes séparées puisse diminuer l’échec scolaire massif dans notre pays des garçons, et elles peuvent, selon certaines études étrangères, renforcer les stéréotypes sexuels, encourager l’ignorance et le préjudice envers l’autre sexe, accentuer les différences dans l’éducation…. Le choix n’est sans doute pas dans des classes totalement séparées garçons-filles et le maintien de classes mixtes sans réflexion sur le vivre ensemble et les démarches pédagogiques à mettre en œuvre.
Il faut sans doute dans certaines disciplines, certains apprentissages, organiser des activités pour toute la classe et des activités séparées par sexe pour mieux prendre en compte dans le cadre d’une pédagogie différenciée les rythmes et les approches de chacun. On l’a vu en France, dans le cadre des cours d’éducation physique et des cours d’éducation sexuelle, il est possible de prévoir des groupes non mixtes.
La classe de 4e de collège est la classe où la différence de maturité entre filles et garçons apparaît le plus souvent comme la plus importante, où la crise d’identité masculine est la plus présente. Il faut donc pour éviter de « faire perdre la face » à des garçons rencontrant des difficultés, d’éviter par des interrogations orales au tableau de rendre public les insuffisances des plus faibles. Il faut veiller à équilibrer les interactions, les interrogations dans la classe pour que ne se forme pas un groupe de garçons qui comme le disent souvent les enseignants, se désintéressant d’un cours qui ne les intéressent pas, en n’arrêtant de regarder par la fenêtre ou en ne restant pas à leur place. Cette classe de 4e qu’on peut qualifier de « tous les dangers », car elle est la classe de l’adolescence, de l’orientation, où se développent parfois l’absentéisme et le décrochage scolaire masculin, il est nécessaire de réfléchir à une bonne mixité des enseignants y intervenant. Il faut veiller, en particulier, à ce que les enseignants de ce niveau ne soient pas exclusivement des femmes.
Il m’apparaît également indispensable d’avoir des réunions sur l’orientation filles-garçons séparées pour leur présenter la richesse des métiers possibles et pouvoir travailler spécifiquement sur les questions liées aux difficultés d’orientation des garçons , notamment de ceux en échec scolaire.
Il faudrait sans doute développer des campagnes pour expliquer aux garçons qu’ils peuvent être enseignants, médecins, juges, assistants sociaux, autant de professions où la faiblesse du nombre d’hommes peut poser problème demain à la société. …..
Mes fonctions m’amènent à suivre la scolarité en formation professionnelle des professeurs des écoles reçus au concours et effectuant leur stage dans les départements de l’académie de Créteil. Parmi les reçus, il y a environ 16% de garçons. Or, au moment du jury de titularisation, parmi les jeunes stagiaires perçus comme en difficulté, il y a 55% de garçons pour 45% de filles.
Visiblement, au vu de ces chiffres, les garçons ne sont pas bien reçus dans toutes les écoles par leurs collègues femmes, alors qu’il y aurait lieu de se féliciter de la diversification des personnels intervenant devant les élèves, notamment pour travailler à éviter les échecs des jeunes garçons à l’école primaire. Il y a dans ce domaine un effort à faire pour que l’égalité et la diversité de genre garçons-filles soient une réalité parmi les enseignants permettant ainsi de mieux donner des repères identitaires aux jeunes.
Ces difficultés à pouvoir s’insérer pour un stage dans une entreprise pour obtenir un diplôme professionnel pèsent sur l’estime et l’image de soi que peuvent avoir d’eux-mêmes les garçons. Ils disent ne pas être jugés pour ce qu’ils sont réellement, mais par rapport à des préjugés les dévalorisant par rapport aux filles.
Il n’est pas étonnant que de telles réalités donnent « du grain à moudre » à certaines idéologies condamnables rabaissant l’image de la femme et visant à exacerber et à survaloriser les comportements virils. Pour combattre ces idéologies, et c’est une nécessité, il faut non seulement le dénoncer, mais s’attaquer vraiment à la racine des maux, en ayant soin de faire que dans tous les domaines de la vie quotidienne, il y ait une vraie égalité homme/femme.
Il n’est pas possible d’avoir pour une société plus de 100 000 garçons sortant en échec scolaire du système éducatif.
La République se doit dans les années qui viennent de sauver les garçons, sinon ses valeurs d’égalité apparaîtront pour des pans entiers de la société comme des paroles sans sens et non des actes, donnant ainsi des armes à certains groupements pour combattre y compris par la violence, notre modèle de société démocratique et remettre en cause l’égalité des droits des filles et des garçons.
Résoudre l’échec scolaire précoce massif des garçons, c’est redonner de l’ESPOIR et du sentiment commun d’appartenance à des jeunes en crise, en quête, d’identité. Quel beau défi pour une société !
Sauver les garçons

[EstRepublicain, 20/04/2010]
Les garçons rencontrent davantage de difficultés scolaires que les filles. Un spécialiste jette un pavé dans la mare.
La croyance populaire n'est parfois pas loin de la vérité : les filles, dit-on, sont plus sérieuses, plus travailleuses, que les garçons. C'est vrai. « Moins précoces et moins diplômés, les garçons sont devenus en quelques décennies le sexe faible de l'école », écrit dans un livre-choc Jean-Louis Auduc. C'est un expert du monde scolaire. Agrégé d'histoire, directeur adjoint de l'IUFM de Créteil, il poursuit des recherches sur l'enseignement aux publics difficiles, les relations parents-enseignants et les évolutions du système éducatif. Il a été longtemps l'un des cadres du SNES.
Son livre, intitulé « Sauvons les garçons ! » ne fait qu'une centaine de pages. Mais elles sont denses et ravageuses. Elles font mouche, à tel point que Jean-Louis Auduc passe maintenant sa vie dans les trains pour se déplacer d'une ville à l'autre, sollicité par des associations de parents, des mouvements pédagogiques, des enseignants pour expliquer comment il est parvenu à faire éclater ce qui était un véritable tabou dans l'Éducation nationale.
Statistiques sexuées
« Je travaille sur l'échec scolaire. Mon premier souci est de donner une identité à l'élève en difficulté de lecture. Sur les 15 % en très grande difficulté, on trouve un garçon sur cinq, mais seulement une fille sur vingt-cinq », relève Jean-Louis Auduc. « Et parmi les bons lecteurs, 71 % sont des filles, 59 % des garçons », ajoute-t-il.
« Sur 150.000 jeunes qui sortent sans diplôme du système éducatif, 120.000 sont des garçons. L'échec scolaire masculin est massif », insiste Jean-Louis Auduc. « D'où la nécessité de statistiques sexuées. On est resté trop souvent à l'Éducation nationale au niveau des anges. Ces données sexuées sont à conjuguer avec celles portant sur l'origine sociale. Les garçons de milieu populaire sont davantage pénalisés que les autres. »
Comment expliquer le décalage des performances entre les filles et les garçons ? « C'est le problème de l'entrée dans les études », répond Jean-Louis Auduc. « Les filles y entrent plus vite. Elles sont plus habituées que les garçons à la notion de travail. À la maison, la mère va s'occuper de la fille, la fille va accomplir des tâches ménagères. Le retard des garçons est très net en cours préparatoire, classe fondamentale pour la lecture. 20 % des garçons y rencontrent d'énormes difficultés, mais seulement à peine 4 % des filles. »
La non-mixité constituerait-elle alors une des pistes pour remédier au handicap des garçons ? « Il ne faut pas renoncer à la mixité, c'est une bonne chose, mais peut-être faut-il imaginer des moments différenciés dans la scolarité, en sport, dans certains enseignements, pourquoi pas en lecture », avance Jean-Louis Auduc. Le débat sur « la Journée de la Jupe » est relancé.
Sauvons les garçons !

Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’I.U.F.M. de Créteil, alerte sur une réalité qui dérange : notre société patriarcale valorise le sexe fort ; or, à l’école, il devient aujourd’hui le deuxième sexe. La majorité des jeunes en situation d’échec scolaire sont des garçons : la fracture sexuée est plus déterminante que la fracture sociale. Sur 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, 100 000 sont des garçons. Certes, toutes les filles ne réussissent pas ; tous les garçons n’échouent pas mais, chiffres de l’Education Nationale à l’appui, en tous milieux sociaux – plus encore ceux de moindre capital économico-culturel –, l’échec scolaire menace le masculin. En cause, le poids considérable des stéréotypes sexués véhiculés par l’éducation familiale, l’école et les media : ils déterminent l’image de soi des filles et des garçons.
En société de domination masculine, on développe chez la petite fille les qualités d’écoute et d’ordre ; on stimule son langage par la conversation. Habituées au respect des codes, les filles s’adaptent à l’école qu’elles surinvestissent car elles y trouvent reconnaissance et émancipation. À l’inverse, on valorise chez le petit garçon les qualités physiques, la force et l’adresse tout en le sollicitant moins dans l’échange verbal : en conséquence, à l’entrée en C.P., il dispose en moyenne de 500 mots et la fillette de 1200. C’est de là, selon l’auteur, que découlent les différences des parcours scolaires.
Convaincus de leur supériorité, les garçons associent l’affirmation d’eux-mêmes à l’indiscipline, la rébellion, la dévalorisation des savoirs scolaires : plus inadaptés que les filles aux codes de l’école, ils souffrent aujourd’hui davantage qu’elles de la répartition sexuée des rôles. De plus, les enseignants reproduisent inconsciemment ces stéréotypes sexués, tout en refusant de reconnaître, par égalitarisme plus que par principe d’égalité, que les aptitudes, les goûts, les rythmes d’apprentissage diffèrent selon le sexe. Parents et enseignants devraient prendre conscience de l’importance du risque d’échec scolaire des garçons et mettre à distance les représentations collectives que l’on croit naturelles. Aujourd’hui, « le masculin l’emporte sur le féminin » en grammaire seulement .
A l’école, le sexe fort présente des faiblesses

Interview
Jean-Louis Auduc, directeur de l’IUFM de Créteil, publie l’essai «Sauvons les garçons».
Par MARIE-JOËLLE GROS
Et si les garçons représentaient le sexe faible de l’école ? C’est la vision peu commune que propose Jean-Louis Auduc, directeur de l’IUFM de Créteil, dans un essai plutôt convaincant, Sauvons les garçons ! qui vient de sortir (1). Pendant deux années, ce spécialiste du système éducatif français a épluché les données statistiques nationales et découvert une réalité sexuée (lire ci-dessous) d’ordinaire noyée dans la globalisation des chiffres : l’échec scolaire frappe majoritairement les garçons.
Ainsi, sur les 150 000 élèves qui quittent tous les ans l’école sans aucun diplôme en poche, plus de 100 000 sont des garçons. Dès le primaire, ce sont eux qui manifestent le plus de difficultés dans l’apprentissage de la lecture, puis eux qui redoublent le plus, et encore eux qui peuplent en grande partie les cours de soutien scolaire. Regarder les chiffres par genre n’est pas une habitude en France, mais ce nouvel angle de vue permettrait d’affiner les réponses pédagogiques, soutient Jean-Louis Auduc.
Des garçons qui réussissent moins bien que les filles à l’école, est-ce nouveau ?
Les garçons ont longtemps été les privilégiés du savoir. Puis, à partir de la massification, l’obligation scolaire a servi les filles au point qu’aujourd’hui elles se débrouillent beaucoup mieux dans l’institution, du primaire aux classes préparatoires aux grandes écoles. Dès que l’on regarde les chiffres par genre, le grand écart entre les deux sexes saute aux yeux. J’ai voulu verbaliser cette réalité : en France, les garçons sont en grande difficulté scolaire. Et ce déséquilibre est générateur de violences. Etre en échec scolaire crée un sentiment d’immense frustration. Ceux qui vivent ces situations sont tentés de compenser par la force physique, la sexualité. On sait que vers 14 ans, il existe une violence spécifique garçons-filles. Ma finalité, c’est de rétablir plus d’harmonie. Pas en dépossédant les filles de leur succès, mais en permettant aux garçons de réussir eux aussi.
Vous préconisez de revenir sur la mixité ?
Surtout pas. Mais il faut l’améliorer. La mixité s’est imposée sans réflexion préalable. Aujourd’hui, on voit bien que les différences de maturité, de rythmes d’apprentissage, d’intérêts, de rapport au savoir et à l’institution doivent être prises en compte. Il faut un traitement spécifique pour éviter les situations de compétition, les formes de domination. Une solution pédagogique consisterait à créer des groupes de travail séparés pour certains cours, comme le soutien, mais aussi en sciences de la vie et de la terre (SVT) pour pouvoir parler plus librement de sexualité et également lors de travaux d’orientation.
L’orientation professionnelle est une affaire de sexe ?
Rien ne marche mieux en termes d’éducation que l’identification. Or que voit-on ? Des mères qui ont un diplôme et un emploi et qui transmettent ce goût de la réussite à leurs filles. Rien que dans les métiers de l’enseignement, il y a de plus en plus de modèles féminins : des proviseures, professeures, femmes médecins scolaires, etc. Souvent, la seule figure masculine qui entre dans un établissement, c’est le policier de la brigade anticriminalité (BAC). Non seulement les filles ne manquent pas de modèles de proximité, mais c’est également vrai au sommet de la société : Rachida, Rama, Fadela sont des figures de «femmes qui en veulent». Que reste-t-il aux garçons ? Le foot, le rap. Il faut créer des banques de stages spécialement pour eux, pour leur montrer des métiers qu’ils ne voient plus.
Vous évoquez comme «métiers invisibles» ceux qui ont longtemps été exclusivement masculins, comme médecin ou juge. Les choses se sont à ce point inversées ?
C’est un fait, la féminisation a gagné quasiment tous les secteurs d’activité. Et dans le même temps, les métiers qui revenaient autrefois aux hommes, du fait de leur force physique et qui leur assuraient un emploi quoi qu’il advienne, sont ceux qui ont été massivement supprimés au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, dans un emploi, la force n’est plus un critère. Tout cela alimente une crise de l’identité masculine. Le témoignage d’aînés, le tutorat et l’accompagnement peuvent permettre aux garçons de retrouver une place au sein de l’institution, et de s’y sentir bien, d’entrevoir autrement l’avenir, et en harmonie avec les filles.
(1) Editions Descartes & Cie, 13 euros.
Pourquoi les garçons ont plus de mal à l’école

[Le Parisien, 07.12.2009]
Moins assidus et moins performants, les garçons éprouvent plus de difficulté à l’école, à tous les âges. Et si c’était la faute du système scolaire, désormais mieux adapté aux filles ?
A l’âge adulte, les hommes se taillent les plus belles places au soleil des entreprises, de plus hauts postes et de meilleurs salaires. Mais avant d’en arriver là, à l’école, ils ne sont pas à la fête ! Au sein du système scolaire, non seulement ils essuient les quolibets des filles, qui les trouvent « bêtes » en fin de primaire, mais ils sont carrément le sexe… faible ! Brimés, sans que personne s’en rende compte.
En danger, ils courent à l’échec, si l’on ne différencie pas la façon d’enseigner.
C’est ce que révèle l’historien et directeur adjoint de l’IUFM (institut universitaire de formation des maîtres) de Créteil (Val-de-Marne), Jean-Louis Auduc, dans un livre qui vient de paraître, au titre alarmant : « Sauvons les garçons ! » C’est en se plongeant dans toutes les études et statistiques qui mesurent la réussite scolaire, et en les épluchant sous l’angle de la différence garçon-fille, que le chercheur a mis au jour la « douloureuse adaptation » masculine au système scolaire… et l’inadaptation de l’école aux garçons.
Ils finissent parfois par lâcher prise
Plus mauvais en lecture, dès le départ. Massivement représentés parmi les « décrocheurs », ces élèves qui baissent définitivement le rideau sur les études et une qualification en fin de scolarité obligatoire. Moins performants au bac… Frappante, la différence des performances filles-garçons à l’école n’a rien à voir avec la génétique, rassure Jean-Louis Auduc. Ouf !
« C’est vrai que les garçons travaillent moins bien et font plus de bêtises en classe », constate Claire, petite élève modèle de CM 1 : « En fait je ne pense pas qu’ils sont plus bêtes. Mais c’est comme si… ils voulaient faire leurs intéressants. » Résumé à l’aune de la réflexion d’une fille de 9 ans montée en graine, c’est exactement ce symptôme, qui finit par conduire à l’échec, selon l’étude de Jean-Louis Auduc. Si les garçons sont plus turbulents, moins attentifs, ça remonte à loin. Et cela tient à une série de raisons, à une mentalité encore très sexuée, à la maison comme à l’école. A force de ne pas se sentir à l’aise, dans l’environnement hyper féminin de l’école, quand leurs modèles masculins sont ailleurs, ils finissent par lâcher prise.
L'école peut elle abriter la guerre des genres?
Par François Jarraud
"Pendant trente ans, on a vécu avec l’idée que la mixité réglait en soi les questions d’égalité. Il faut en revenir à l’épreuve des faits. Il ne suffit pas de mettre des garçons et des filles ensemble pour que règne l’harmonie et l’égalité entre filles et garçons". Cette réflexion de Jean-Louis Auduc, auteur de "Sauvons les garçons !", éclaire la situation de l'Ecole française : pour avoir cru que la mixité allait de soi, l'Ecole est devenue une arme dans une guerre des genres qui se prolonge bien après la fin de la classe.
Les filles ont l'avantage
Pourtant dans une société où les hommes l'emportent, l'Ecole semble être un territoire dominé par les femmes. Les jeunes têtes blondes le découvrent très vite : 81% des enseignants du primaire sont des femmes et, si leur domination s'atténue au secondaire, c'est encore le cas de près de deux enseignants sur trois au collège et au lycée. La proportion est respectée pour les autres adultes en contact avec les jeunes : 69% des CPE, plus de 80% des personnels d'orientation sont des femmes. L'Ecole est bien leur royaume.
On se gardera bien d'établir un lien direct entre ce cadre et les résultats scolaires. Mais un fait est là : les filles dominent nettement les garçons sur le plan scolaire. Cela se voit dès l'école primaire. En CM2, les filles sont meilleures en français et en maths : 91% maitrisent les compétences de base dans ces deux disciplines contre 85% des garçons en français. Jean-Louis Auduc a raison de le souligner : dès le CM2, 15% des garçons sont en difficulté de lecture. C'est deux fois plus que chez les filles.
En troisième les filles sont nettement meilleures en français (86% contre 76% pour les garçons) et un peu moins bonnes en maths (89% contre 91%). Mais le chiffre est trompeur : déjà il y a eu un écrémage chez les garçons. A 14 ans, 200 000 filles sont en 3ème alors qu'on ne compte que 179 000 garçons du même âge. En terminale générale et technologique on comptera 90 000 garçons de 17 ans contre 123 000 filles… et 55% de filles tous âges confondus. Mais ces chiffres cachent de grands écarts entre filières. Aux 93% de filles de la filière SMS-ST2S, répondent les 94% de garçons de la filière ISP. On trouve 79% de filles en L, 49% en S, seulement 10% en STI. Des écarts aussi forts se constatent entre branches du bac professionnel (en gros opposition tertiaire – production).
Comment expliquer cette domination féminine ?
Pour Jean-Louis Auduc, "les filles ont durant leur cursus scolaire et leur adolescence, présentes devant elles, des semblables, femmes référentes, auxquelles elles peuvent sans peine s’identifier". Du coup elles se sentiraient davantage soutenues. D'ailleurs, on l'a vu, elles "décrochent" beaucoup moins : un garçon sur cinq quitte l'Ecole sans qualification retenue quand ce n'est qu'une fille sur sept. Les garçons auraient plus de mal à trouver un modèle scolaire auquel s'accrocher, d'autant qu'à la maison aussi, le travail reste souvent une valeur féminine… On a vu également que l'écart se creuse entre garçons et filles entre 10 et 14 ans, une période où les filles murissent plus vite que leurs camarades. " Ce décalage dans l’accès à la scolarité n’est pas sans conséquence au niveau de l’attitude des élèves dans le système éducatif, car il se produit dans les deux premières années du collège qui sont des années décisives concernant la mise en place des processus d’apprentissages qui vont structurer toutes les années du second degré", estime J.-L. Auduc.
Pour quelle réussite finale ?
A la fin de l'enseignement scolaire le taux de réussite au bac des filles dépasse de 4 points celui des garçons (85% contre 81% tous bacs confondus). Les filles l'emportent dans tous les bacs sauf le bac agricole. Mais, là aussi, ce taux cache un écart trois fois plus grand : 70% des filles d'une génération seront bachelières contre 58% des garçons. Finalement une fille sur deux aura un diplôme du supérieur contre un garçon sur trois. Du coup, "depuis 2007, en début de carrière, le taux de chômage des femmes est plus faible que celui des hommes", révèle une très récente étude de l'Insee. "La réussite croissante des filles en matière de formation favorise leur insertion professionnelle… Les filles accèdent plus facilement à des emplois qualifiés grâce à leur niveau de formation plus élevé. En 2008, 48% des jeunes filles occupent une profession intermédiaire ou un emploi de cadre contre 43% des garçons".
La revanche finale des garçons
Apparemment les garçons leur ravissent les meilleures places. Dans le post bac, les filles fournissent 80% des étudiants des formations sociales, 72% des étudiants en IUFM mais seulement 28% des étudiants des filières scientifiques, 26% des futurs ingénieurs et 24% des étudiants en université de technologie. En CPGE, 57% des élèves sont des garçons. Un écart qui reflète les stéréotypes sexués : "Quand ils se jugent très bons en français, seul un garçon sur dix va en L... contre 3 filles sur dix. Quand ils se jugent très bons en maths, 8 garçons sur 10 vont en S contre 6 filles sur 10" révèle une étude ministérielle. Mais on se rappelle que seule une petite minorité des garçons peut se revendiquer "très bonne"…
C'est bien plus tard que les garçons prennent leur revanche. "A niveau de diplôme identique, le taux de chômage des jeunes femmes reste souvent plus élevé et leurs salaires sont inférieurs à ceux des hommes", note l'Insee. "En effet les spécialités de formation qu'elles choisissent ne correspondent pas toujours aux besoins du marché du travail". Mais le pire c'est une étude de l'OCDE sur la rentabilité des études supérieures qui le montre. Pour tous les pays les études se chiffrent par des gains plus ou moins substantiels pour les femmes (130 000 $ en Corée du Sud , 123 000 au Portugal, des pays où les écarts de revenus par rapport aux bachelières sont importants et les écarts entre les sexes faibles).
Que peut faire l'Ecole ?
La tentation pourrait être de séparer à nouveau les sexes à l'Ecole. C'est le raisonnement du sociologue Michel Fize qui propose des classes séparées au collège. Mais l'école unisexe, là où elle existe, a plutôt permis de renforcer les stéréotypes et l'ignorance qu'assurer l'intégration scolaire des garçons. PISA démolit ce programme en montrant que les filles n'obtiennent pas de meilleurs résultats dans les établissements non mixtes.
Le statu quo devient lui aussi impossible. "Il n’est plus possible de se contenter de gérer une mixité, qui serait seulement mettre des garçons et des filles ensemble avec l’intention de ne pratiquer aucune différenciation basée sur le genre", pense Jean-Louis Auduc. "Il faut sans doute dans certaines disciplines, certains apprentissages, organiser des activités pour toute la classe et des activités séparées par sexe pour mieux prendre en compte dans le cadre d’une pédagogie différenciée les rythmes et les approches de chacun".
Peu de disciplines ont réfléchi à ces questions. Comment pourrait-on éveiller l'intérêt des garçons pour la lecture ? La solution ne passe d'ailleurs pas uniquement par l'Ecole, la lecture étant une pratique sociale. Par contre l'anxiété des maths que vivent les filles renvoie directement à la façon de les expliquer. Seule l'EPS semble aujourd'hui avoir pris conscience du rapport entre l'enseignement et la construction des stéréotypes.
Il nous reste donc à la fois à "sauver les garçons" et à lutter contre les stéréotypes qui pèsent sur les orientations et le devenir des filles et des garçons. Vaste tâche !
Les garçons, sexe faible à l'école

[Le Monde, 11.11.2009]
LE MONDE DE L'EDUCATION
Sauvons les garçons !, de Jean-Louis Auduc, s'inscrit non pas contre mais dans le droit-fil d'Allez les filles ! (Seuil, 1992) et de Quoi de neuf chez les filles ? (Nathan, 2007), des sociologues Christian Baudelot et Roger Establet. Après s'être penché sur les problèmes des filles, il était juste et urgent de s'intéresser à ceux, plus lourds, des garçons. Sur 150 000 jeunes qui sortent chaque année sans qualification du système éducatif, 100 000 sont des garçons. Un mauvais score qui perdure du primaire au supérieur, puisque sept femmes sur dix ont un bac ou un diplôme postbac, contre six hommes sur dix. Selon des chiffres 2008-2009 du ministère de l'éducation, les filles - prétendument peu scientifiques - sont 31 % à décrocher une mention bien ou très bien au bac S, contre 24 % de garçons.
Pourquoi un tel écart et un tel échec ? "Les filles, peu ou mal reconnues dans la maison, ont surinvesti dans l'école et elles y sont reconnues, explique l'auteur, directeur adjoint de l'IUFM de Paris-XII-Val-de-Marne à Créteil. A l'inverse, les garçons sont souvent reconnus dans leur famille, mais ils vivent une crise identitaire à l'école. (...) La conviction de leur supériorité confronte les garçons à des contradictions insolubles en ne se traduisant pas par une supériorité intellectuelle sur les filles de leur classe."
Résultat : les garçons sont amenés à dévaluer les savoirs scolaires et à se rebeller contre l'école. La spirale de l'échec est amorcée. Elle se vérifie jusque dans l'orientation, où les filles sont sous-représentées dans les filières dites courtes (CAP, BEP, bac STI, bac pro, etc.). En revanche, elles sont surreprésentées dans le supérieur, à l'exception des filières d'excellence, où les garçons repassent devant elles.
En effet, en dépit de parcours scolaires plus brillants, les filles choisissent moins fréquemment qu'eux les filières de l'élite. Une situation liée à un atavisme culturel qui empêche de "bousculer les frontières du masculin et du féminin à l'intérieur de la famille". Selon une étude (de mars 2009) de la Caisse nationale d'allocations familiales, les deux tiers du travail parental et ménager reposent sur les femmes.
La famille - celle qui élève et celle qu'on reproduit -, la voilà, la grande fautive... "Les discriminations professionnelles ne trouvent plus leurs racines dans les inégalités institutionnelles, que ce soit à l'école ou dans les lois, mais dans l'intimité des foyers et des consciences", écrit l'auteur. Des discriminations qui reposent sur des images stéréotypées des deux sexes et qui ont de fortes répercussions sur la scolarité des uns et des autres. Le fait de moins stimuler oralement que physiquement les garçons (qu'on souhaite plus forts) a une influence directe sur une acquisition du langage plus lente chez les enfants de sexe masculin. Et donc sur leur scolarité.
Beaucoup de garçons "ne se relèvent jamais du stéréotype que concrétise souvent l'éducation parentale selon lequel la communication verbale est une compétence essentiellement féminine", remarque Jean-Louis Auduc. A l'opposé, l'image de la femme, véhiculée dans certains milieux, "contribue à développer chez les filles des capacités d'écoute et d'ordre qui seront des atouts à l'école". Un constat d'autant plus vrai à mesure que l'on descend dans l'échelle sociale, et finalement plus préjudiciable aux garçons des milieux défavorisés. Rois chez eux, ils sont désavoués à l'école, où la mentalité machiste les place en position de rebelles, donc de refus et d'échec.
Comment sortir de cette situation ? En luttant contre les stéréotypes machistes et en limitant la mixité, propose l'auteur, qui ne milite pas pour autant en faveur du retour des classes unisexes, mais s'interroge "sur la pertinence de quelques activités où, pour mieux gérer la totalité de la classe, garçons et filles seraient séparés".
Hypothèse pessimiste mais pas irréaliste : on peut aussi imaginer que l'écart entre les genres diminuera avec la poursuite de la montée en puissance des filles. A force de se rapprocher des positions sociales des garçons, elles en adopteront aussi les codes et développeront à leur tour les aspects pervers encore propres aux stéréotypes du sexe "fort". Mais s'agirait-il d'une victoire pour elles ?