Sauver les garçons


[EstRepublicain, 20/04/2010]

Les garçons rencontrent davantage de difficultés scolaires que les filles. Un spécialiste jette un pavé dans la mare.

La croyance populaire n'est parfois pas loin de la vérité : les filles, dit-on, sont plus sérieuses, plus travailleuses, que les garçons. C'est vrai. « Moins précoces et moins diplômés, les garçons sont devenus en quelques décennies le sexe faible de l'école », écrit dans un livre-choc Jean-Louis Auduc. C'est un expert du monde scolaire. Agrégé d'histoire, directeur adjoint de l'IUFM de Créteil, il poursuit des recherches sur l'enseignement aux publics difficiles, les relations parents-enseignants et les évolutions du système éducatif. Il a été longtemps l'un des cadres du SNES.

Son livre, intitulé « Sauvons les garçons ! » ne fait qu'une centaine de pages. Mais elles sont denses et ravageuses. Elles font mouche, à tel point que Jean-Louis Auduc passe maintenant sa vie dans les trains pour se déplacer d'une ville à l'autre, sollicité par des associations de parents, des mouvements pédagogiques, des enseignants pour expliquer comment il est parvenu à faire éclater ce qui était un véritable tabou dans l'Éducation nationale.

Statistiques sexuées

« Je travaille sur l'échec scolaire. Mon premier souci est de donner une identité à l'élève en difficulté de lecture. Sur les 15 % en très grande difficulté, on trouve un garçon sur cinq, mais seulement une fille sur vingt-cinq », relève Jean-Louis Auduc. « Et parmi les bons lecteurs, 71 % sont des filles, 59 % des garçons », ajoute-t-il.

« Sur 150.000 jeunes qui sortent sans diplôme du système éducatif, 120.000 sont des garçons. L'échec scolaire masculin est massif », insiste Jean-Louis Auduc. « D'où la nécessité de statistiques sexuées. On est resté trop souvent à l'Éducation nationale au niveau des anges. Ces données sexuées sont à conjuguer avec celles portant sur l'origine sociale. Les garçons de milieu populaire sont davantage pénalisés que les autres. »
Comment expliquer le décalage des performances entre les filles et les garçons ? « C'est le problème de l'entrée dans les études », répond Jean-Louis Auduc. « Les filles y entrent plus vite. Elles sont plus habituées que les garçons à la notion de travail. À la maison, la mère va s'occuper de la fille, la fille va accomplir des tâches ménagères. Le retard des garçons est très net en cours préparatoire, classe fondamentale pour la lecture. 20 % des garçons y rencontrent d'énormes difficultés, mais seulement à peine 4 % des filles. »

La non-mixité constituerait-elle alors une des pistes pour remédier au handicap des garçons ? « Il ne faut pas renoncer à la mixité, c'est une bonne chose, mais peut-être faut-il imaginer des moments différenciés dans la scolarité, en sport, dans certains enseignements, pourquoi pas en lecture », avance Jean-Louis Auduc. Le débat sur « la Journée de la Jupe » est relancé.