Christiane Pelchat
Il est exact que les garçons décrochent plus que les filles au secondaire et il est aussi vrai que parmi les enseignants, il y a plus de femmes que d'hommes. Toutefois, y voir là un lien de cause à effet est erroné, voire même dangereux, et ne sert pas la cause des garçons comme le démontrent plusieurs études, notamment celles du Conseil supérieur de l'éducation du Québec.
Parmi la population âgée de 19 ans en 2006, 24,1 % des garçons ne fréquentaient pas l'école et n'avaient pas obtenu de diplôme du secondaire. Il y a donc 24 % de garçons qui ont abandonné. S'il était vrai que la trop grande présence de femmes est la principale cause du décrochage, comment se fait-il que pour 76 % d'entre eux, la présence des femmes enseignantes n'ait pas le même effet? Que dire des 14 % de filles qui décrochent?
Nous ne comprenons pas non plus pourquoi certains prétendent que les valeurs actuelles du milieu de l'éducation agiraient comme un poison sur 24 % des garçons. À quelles valeurs au juste fait-on allusion? Aux valeurs féminines? Quelles sont donc les valeurs qui sont manquantes pour ces garçons? Que suggère-t-on pour les 14 % de filles qui décrochent?
Le Conseil supérieur de l'éducation nous apprend qu'au-delà de l'école, les parents ont aussi une grande part de responsabilité dans la réussite scolaire des enfants. Ainsi, les enquêtes démontrent que les parents, dès la petite enfance, valorisent très tôt les études chez les petites filles en affirmant que c'est le salut pour l'autonomie des femmes, mais en omettant de le faire pour leurs fils.
De plus, quand le secteur manufacturier allait mieux, plusieurs garçons attirés par de bons salaires quittaient l'école pour aller à l'usine, et ce, dans beaucoup de régions du Québec.
Les enquêtes de Jean-Claude St-Amant démontrent aussi que l'autonomie qu'acquièrent rapidement les petites filles est souvent manquante chez certains garçons.
Aussi, selon le Conseil supérieur de l'éducation : « Les principaux facteurs d'abandon reliés à l'école résident dans la dynamique de la classe, la culture de l'établissement, certaines conditions d'enseignement et des effets du système. Le CSE relève entre autres : un curriculum trop homogène, l'accès encore difficile à la formation professionnelle, la taille des groupes, le perfectionnement inadéquat du personnel enseignant, l'écart de l'école avec le milieu de vie de l'élève, le souci excessif de l'excellence... »
De plus, parmi les principaux facteurs d'abandon liés à la famille, le CSE signale le manque de maîtrise de la langue qui nuit à l'apprentissage de toutes les matières, le peu d'intérêt porté aux études et la pauvreté...
Par ailleurs, il faut regarder ce qui se passe ailleurs. Par exemple, au Danemark en 1999, il y avait seulement 57% de femmes enseignantes. Pourtant, le taux de décrochage scolaire des garçons était de 23 points supérieur à celui des filles. En France, où les femmes enseignantes représentaient 67 % du personnel, le taux de décrochage des garçons y était moins élevé qu'au Québec et un petit écart de 3% séparait les deux sexes.
Ainsi, pour nous, il est clair que d'avoir davantage d'hommes enseignants est souhaitable, mais cela ne réglera pas le problème d'abandon scolaire de nos garçons. Le problème est global et nécessite une action des écoles mais aussi des parents.
L'auteure est présidente du Conseil du statut de la femme.