"L'école est sans aucun doute un des seuls lieux où le genre masculin est une particularité disqualifiante" écrit Jean-Louis Auduc, dans l'introduction à son nouveau livre "Sauvons les garçons !". L'ouvrage met en avant les difficultés scolaires des garçons dans le système éducatif français et propose des explications. "Dès le primaire, un bon élève c'est un ensemble d'attitudes : des devoirs soignés, être à l'heure…, ne pas s'agiter… Or la prégnance du modèle traditionnel dans la famille contribue à développer chez les filles des qualités d'écoute et d'ordre. Alors que faire ? Des remèdes existent… Jean-Louis Auduc nous en parle.
Votre livre est à la fois un appel et, un peu, une provocation. Vous dites que « l’ échec scolaire a un sexe » et que c’est le sexe masculin. On a tellement en tête une image contraire qu’on a du mal à vous croire. Sur quoi vous appuyez-vous ?
Cet ouvrage se veut une contribution à la lutte contre l’échec scolaire, notamment en examinant de près les caractéristiques des élèves concernés. Or, sur la base des statistiques 2008 et 2009, étudiées par genre, il apparaît que tous les objectifs fixés par les différentes lois votées ces dernières années concernant le système éducatif :
• 80% d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat
• 95% d’une classe d’âge au niveau CAP ou BEP
• 50% titulaires d’un diplôme du supérieur
sont atteints pour les filles (1) et qu’on en est très loin pour les garçons.
Ainsi, on globalise souvent les statistiques concernant les difficultés en lecture. Les statistiques 2009 montrent pourtant qu’il y a 15% des garçons à avoir de très faibles capacités
Très faibles capacités 8,9% 4,9%
Difficultés sévères 6,1% 3,6%
Lecteurs très efficaces 59% 70%
Les filles durant leur scolarité lisent donc plus vite et mieux que les garçons, redoublent beaucoup moins qu’eux à tous les niveaux du système éducatif, échouent moins dans l’obtention de qualifications, ont plus de mentions à tous les examens et diplômes, du second degré comme du supérieur.
Connaître les caractéristiques de ceux qui sont en échec scolaire m’apparaît indispensable pour mieux le traiter et aussi pour que l’échec chez certains garçons ne se transforment pas en frustration vis-à-vis des filles et ne conduisent pas à des actes de violence. Pour pouvoir mieux combattre certains comportements violents, il faut donc en connaître toutes les causes et essayer de les éradiquer ou tout du moins de diminuer autant que l’on peut, leur impact.
Pendant trente ans, on a vécu avec l’idée que la mixité réglait en soi les questions d’égalité. Il faut en revenir à l’épreuve des faits. Il ne suffit pas de mettre des garçons et des filles ensemble pour que règne l’harmonie et l’égalité entre filles et garçons.
Avons-nous suffisamment conscience de ce qui se joue pour les garçons, quelle que soient leurs origines, dans les premières années de leur vie à l’école ? Avons-nous réfléchi aux difficultés d’adaptation de plus en plus nombreuses des garçons par rapport aux filles dans l’espace scolaire ? Les garçons en difficulté scolaire face à des filles en réussite scolaire qui apparaissent plus en connivence avec des personnels massivement féminins, ont tendance à se sentir humiliés et à vouloir montrer à ces dernières qu’ils sont quand même les plus forts en les bousculant, en les agressant physiquement, voire sexuellement. Pour combattre efficacement les violences machistes, il faut donc voir comment l’école d’aujourd’hui est vécue par un nombre de plus en plus important de garçons.
Mais ces différences apparaissent à quel moment ? Elles s’accentuent tout au long du système scolaire ou elles s’atténuent ?
Il y a deux moments décisifs :
L’entrée dans les apprentissages de la lecture et de l’écriture : Les garçons sont plus souvent en difficulté : dans 15% des cas contre 8,5% pour les filles. Ils réussissent moins bien les épreuves de compréhension et sont plus nombreux que les filles dans les profils les plus faibles. Ils présentent aussi plus de déficits dans les mécanismes de base de traitement du langage. Les élèves en difficultés lourdes de lecture sont 7 garçons pour 3 filles. Il y a un vrai enjeu concernant la réussite des garçons tout au long du cursus, car on sait combien les difficultés de lecture pèsent sur la suite de la scolarité.
Le moment de la 5e/4e au collège : Les filles réalisent à l’école et au collège de meilleurs parcours scolaires que les garçons. A 14 ans, les filles sont pour plus des deux tiers en troisième contre la moitié des garçons qui, à cet âge, sont environ un tiers à être encore en quatrième contre un quart des filles. Dans l’école française, le moment décisif concernant l’orientation des élèves se situe entre la classe de quatrième et la classe de troisième. Il touche donc les jeunes à l’âge de 14/15 ans.
Or, à cet âge où se joue une grande partie de ce qui va faire la réussite ou non du parcours scolaire des jeunes, où l’institution leur demande de construire un projet personnel, tous les spécialistes de la psychologie de l’adolescence le disent, c’est le moment du plus grand écart de maturité entre les jeunes garçons et les jeunes filles.
C’est l’importance de ce moment qui explique le poids des garçons dans le décrochage scolaire ou dans les structures accueillant des jeunes en difficulté.
Classes de SEGPA 70% 30%
Dispositif « soutien » collège 63% 37%
Dispositifs Relais 78% 22%
Au total pour l’accès du classe d’âge : au niveau « bac » , on a 64% des garçons et 76% des filles, pour la réussite au baccalauréat, 57% des garçons, 71% des filles, pour l’obtention d’un diplôme du supérieur (Bac+2 et plus), 37% des garçons, 50,2% des filles, pour l’obtention d’une licence, 21% des garçons, 32% des filles.
Comment expliquez-vous cela ? Les filles sont-elles plus intelligentes ? Plus douées scolairement ?
Ce serait une erreur de penser que l’écart garçons-filles pourrait venir fondamentalement de différences biologiques ou génétiques. Les explications à cet écart garçons-filles à l’école sont multiples et complexes :
J’ai déjà évoqué l’écart de maturité filles-garçons au moment de l’orientation.
Les professions qui interviennent autour de l’enfance et de l’adolescence, comme celle qui sont en prise avec le quotidien de la population, se sont en vingtaine d’années massivement féminisées. Notre société doit s’interroger sur le fait qu’aujourd’hui, entre 2 et 18 ans, les jeunes vont ne rencontrer pour travailler avec eux que des femmes : professeurs (80,3% de femmes dans le premier degré ; 57,2% de femmes dans le second degré, BTS et classes prépas inclus), chefs d’établissements, assistantes sociales, infirmières, avocats, juges, médecins généralistes, employées de préfecture ou de mairie, voire juges, tous ces métiers sont de manière écrasante féminins. ….. …
Les filles ont donc durant leur cursus scolaire et leur adolescence, présentes devant elles, des semblables, femmes référentes, auxquelles elles peuvent sans peine s’identifier, ce qui pour une bonne part expliquent également qu’elles souhaitent, leurs études réussies, rejoindre ces métiers qu’elles jugent valorisants. On peut en effet, penser que les filles se dirigent plus spontanément à la fin de leurs études vers des métiers qu’elles rencontrent pendant leur scolarité, avec lesquelles elles peuvent s’identifier, dont elles ont pu faire d’une certaine manière des modèles des personnes qui les exercent. Les jeunes filles construisent donc souvent un cursus scolaire adapté au métier choisi ce qui leur permet de réussir, mais il ne faut pas mettre de côté le fait que cette identification peut éventuellement freiner leurs ambitions.
Les mutations dans la structure familiale doivent, en effet, être prises en compte. Il n’y a pas que la monoparentalité féminine qui peut poser problème aux garçons. Dans les familles recomposées, restructurées, voire décomposées qui se développent de plus en plus et sur lesquelles il faut s’interdire de porter le moindre jugement, la femme le plus souvent apparaît comme le pivot permanent, solide, constant autour de laquelle la composition familiale va évoluer au fil du temps. Un tel positionnement de la mère en tant que pivot ne peut pas ne pas avoir des conséquences sur l’image que se fait de lui-même le garçon à l’âge de la puberté et des questionnements sur son devenir.
De plus, les deux-tiers du travail parental selon une étude de la Caisse National des Allocations Familiales (CNAF) de mars 2009 pèsent sur les épaules des femmes. Ce sont elles qui s’occupent dans la plupart des cas, de l’habillement, des accompagnements à l’école, des devoirs scolaires, du coucher des enfants.
Sont-elles plus soutenues scolairement par les parents ?
Les différences de réussite scolaire garçons-filles qui se manifestent dès l’école primaire peuvent sans doute s’expliquer par des représentations sur les activités des filles et les activités des garçons qui ont perduré aujourd’hui alors que la situation économique et sociale a profondément changé. Les mentalités changent plus lentement que les mutations bouleversant l’organisation de la société.
Ainsi, certains parents peuvent-ils penser encore aujourd’hui, comme c’était la réalité pendant les générations précédentes, que :
- les garçons peuvent ne pas réussir à l’école, car grâce à leur force physique ils pourront toujours trouver des emplois ouverts aux non-diplômés dans le secteur primaire (agriculture, mines, ou pêche) ; autant d’emplois existants il y a une ou deux générations et disparus aujourd’hui… Cette croyance, hélas erronée, peut conduire des parents à ne pas être très attentifs à la scolarité de leurs garçons en pensant que leur insertion dans l’emploi sera plus facile que celle des filles…
- les filles à l’inverse, aux yeux de nombre de familles, doivent nécessairement avoir un certain bagage scolaire pour trouver un emploi, et ce depuis des générations, puisque les emplois du secteur primaire leur étaient quasiment interdits…..Ces parents ont donc tendance à se soucier très tôt des apprentissages scolaires et des résultats scolaires des filles car ils leur accordent beaucoup plus d’importance qu’à ceux des garçons dans l’optique de leur vie future….
Il faut aussi voir que pèsent également sur les garçons la disparition de tous les rituels d’intégration sociaux à un moment donné de leur vie et le flou régnant entre 16 et 25 ans autour de l’entrée dans l’âge adulte.
Dans la construction de sa personnalité, le jeune, spécifiquement le garçon, parce qu’il vit moins dans son corps le passage à l’âge adulte, a toujours eu besoin de rites d’initiation, de transmission et d’intégration. Ceux-ci ont été longtemps religieux (confirmation, communion solennelle) et civiques (les « trois jours » ; le service national). Aujourd’hui, il n’existe quasiment plus de rites d’initiation et de transmission, ce qui, la nature ayant horreur du vide, laissent le champ libre à des processus d’intégration réalisés dans le cadre de « bandes », de divers groupes, voire par des sectes ou des intégrismes religieux.
Il y a quelques jours, lors d’un colloque organisé par Paristech, la directrice des relations internationales du ministère de l’éducation finlandais, Eva Penttilä, expliquait que dans ce pays phare pour son égalitarisme et sa réussite scolaire, un écart énorme s’est creusé entre filles et garçons, 70% des filles obtiennent un diplôme du supérieur contre 45% des garçons ( un taux qui fait quand même rêver !). Pensez-vous que la féminisation du corps enseignant puisse aussi jouer ?
Les chiffres de la Finlande pour le premier diplôme du supérieur sont assez similaires aux résultats français concernant l’obtention d’un baccalauréat, ce qui en terme d’années d’études et de modes de sélection après la scolarité obligatoire revient à peu près au même. L’écart filles-garçons qui existent dans tous les pays développés, notamment européens, me semblent ressortir aux causes exposées plus haut.
Toutes les études montrent également que très tôt les élèves accordent une attention croissante aux résultats scolaires, aux appréciations de l’enseignant, concernant leurs camarades de classe de manière à se situer les uns par rapport aux autres, notamment lorsqu’il y a notes et sélections, ce qui est le cas en Finlande après la scolarité obligatoire. Les études menées montrent qu’individuellement, en dépit de la mixité dans les classes, les élèves se comparent délibérément à l’intérieur de leur groupe de sexe.
Une telle information suggère que prendre un élève comme exemple pour stimuler les autres n’a d’influence dans le meilleur des cas que sur ceux du même sexe que le modèle. Aucun, aucune élève ne peut donc avoir valeur d’exemple pour tous.
S’appuyer, pour une enseignante femme ou un enseignant homme sur le groupe des élèves filles en réussite scolaire qu’on met en avant, en se disant que cela fera bouger tous les élèves de la classe apparaît donc comme une démarche inefficace et peut-être même contre-productive.
Il faut aussi savoir que les élèves choisissent la plupart du temps leurs références non seulement chez des élèves de même sexe qu’eux mais qu’ils jugent à leur portée. L’élève qui aura 5/20 accorde ainsi plus d’attention à des camarades de classe pourvus d’une moyenne de 6 ou 7, qu’à ceux qui ont 14.
Ainsi se met en place une spirale dangereuse : des élèves garçons en difficulté plutôt que de se comparer à des filles en réussite, se focalisent au contraire sur leurs camarades de classe dont les résultats scolaires sont pires encore que les leurs. De nature à les rassurer, cette comparaison n’autorise aucun progrès. Ces élèves sont durablement installés dans leurs échecs et leurs difficultés scolaires parce que satisfaits, précisément, de ne pas être tout à fait les derniers.
Face à ces questions, la présidence suédoise de l’Union européenne organise les 17 et 18 novembre un colloque auquel je participerai à Uppsala (Suède) sur « les différences dues au genre dans les systèmes éducatifs » avec notamment une table ronde sur « Ségrégation par genre et garçons marginalisés
Peu de disciplines ont réfléchi sérieusement à la parité (à ma connaissance, seule, l’EPS). Que peuvent faire les enseignants ?
Rappelons-nous aussi qu’il est sorti depuis vingt ans des dizaines d’ouvrages, concernant notamment l’école maternelle et élémentaire pour aider les petites filles à réussir, leur permettre de mieux comprendre les manuels scolaires. Ce qui est significatif, c’est qu’à ma connaissance, il n’est pas encore sorti d’ouvrages concernant l’enseignement en maternelle et en élémentaire consacrés à des pédagogies possibles visant à la réussite des garçons.
Pour permettre à chacun de se sentir bien quels que soient les difficultés, il peut être intéressant par exemple à l’école primaire de travailler spécifiquement quelques heures avec les garçons sur le vocabulaire, les modalités de compréhension à l’œuvre dans l’action de lecture, pour leur assurer un apprentissage dans de meilleures conditions avec l’ensemble de la classe. Et ce, d’autant plus si certains garçons pensent que « la lecture, c’est une affaire de filles ». Il peut s’agir de mettre en place une pédagogie différenciée garçons/filles passant par des moments séparés pour quelques heures.
Plutôt que de voir dans une classe de collège, les garçons se replier au fond et s’agiter durant une classe de français où les filles les dominent dans la maîtrise du langage écrit ou oral, il peut être plus utile de prévoir une division en deux groupes, l’un de filles approfondissant telle ou telle notion et un de garçons, travaillant spécifiquement sur les compétences de base pour leur permettre de progresser en classe entière.
Il s’agit en quelque sorte de construire pour des garçons qu’on sait très en retard sur les filles sur les compétences nécessaires en français, des programmes personnalisés de réussite éducative où ils pourraient sans crainte du regard des filles, travailler spécifiquement quelques heures par semaine sur ces questions afin de mieux rattraper le niveau exigible par la nation pour tous les élèves.
On a quand même l’impression que l’orientation plus négative des filles inverse le résultat final. Ne s’interdisent-elles pas les filières d’excellence ? Etes-vous d’accord pour dire qu’au bout du compte (intégration professionnelle comprise), les filles s’en sortent moins bien ?
Les diplômes où les filles ne sont pas majoritaires dans le système scolaire en 2008 sont avant tout les formations professionnelles dites courtes où les filles sont sous-représentées par rapport aux garçons (conséquence de leur meilleure réussite scolaire).
- Brevet des collèges , série professionnelle
- CAP
- BEP
- Bac STI (Sciences et technologie industrielle)
- Bac STAE (Sciences et technologie de l’agronomie et de l’environnement)
- Bac professionnel
Les seuls garçons qui « surnagent » en proportion bien moins importante que les filles sont les garçons qui font le choix d’aller le plus loin possible dans l’école sans se préoccuper d’un métier à priori identifié. Le plus souvent, c’est l’environnement familial qui les pousse à adopter ce comportement, ce qui est un des facteurs expliquant le fait que pour certaines grandes écoles, la « démocratisation « a reculé au profit d’une situation où ce sont les réseaux familiaux qui restent les plus prégnants.
Les filles dans l’ensemble des baccalauréats scientifiques ont plus de mentions très bien ou bien que les garçons et aux Olympiades de la Chimie (XXIVe édition. 2009), les filles « trustent » deux des trois premières places pour les classes terminales, et huit premières places sur dix pour les classes de première….
Cet accroissement des diplômes a eu, avant la crise, des conséquences sur l’emploi féminin : « Pour les sortis de formation initiale depuis 1 à 4 ans, le chômage des femmes est globalement de 14,8%, celui des hommes de 17,1%. En 2007, les femmes sont aussi nombreuses globalement que les hommes à occuper un emploi à durée indéterminée alors que dans les générations précédentes, les femmes étaient plus souvent employées à durée déterminée » (Note CEREQ n°248, janvier 2008)
L’erreur est de penser que « le plafond de verre » qui existe toujours proviendrait des inégalités hommes/femmes dans la formation initiale des jeunes, alors qu’il provient de la répartition du travail et des tâches parentales dans la société qui ne s’est pas modifiée ces quarante dernières années.
Etablir une véritable égalité homme/femme dans la réussite scolaire des uns et des autres permettrait sans nul doute de pouvoir aborder dans l’éducation une autre image de la répartition des tâches entre hommes et femmes dans la société. Vouloir le faire aujourd’hui alors que les jeunes garçons se sentent défavorisés, et ils le sont de fait, dans l’école ne peut que conduire à des échecs.
Je me demande donc si la question n’est pas davantage posée aux garçons des milieux populaires ( l’équivalent des pauvres blancs des écoles anglaises) plus qu’aux garçons en général. Question de culture de classe ou question de genre ?
Il est difficile d’avoir des enquêtes mêlant genre et catégories sociales. La DEPP en a mené une tout récemment sur les enfants nés en 1997 concernant le redoublement à l’école élémentaire. Les filles de parents ouvriers ont des résultats similaires (21% de redoublantes) à ceux des garçons, enfants de parents employés. Les filles de parents employés avec 17% de redoublantes ont des résultats similaires à ceux de garçons enfants de commerçants, d’artisans, d’agriculteurs.
Toutes les catégories sociales ont un écart entre les résultats des garçons et des filles, en faveur des filles, même si l’écart est beaucoup plus important pour les enfants d’agriculteurs, d’inactifs et de commerçants et d’artisans que chez les enfants de cadres ou d’employés.
Cet écart est de :
- 10 points pour les enfants d’agriculteurs
- 9 points pour les enfants d’inactifs
- 7 points pour les enfants de commerçants ou d’artisans
- 6 points pour les enfants d’ouvriers
- 4 points pour les enfants d’employés
- 3 points pour les enfants de cadres
Certes, cet écart est sans doute accentué dans les familles dont les parents ont pu immigrer d’Afrique du Nord, d’Afrique noire, de Turquie, du Pakistan, il y a une ou deux générations. Dans ces familles, les filles peuvent se sentir valoriser dans l’école ce qui n’est pas toujours le cas à la maison où elles sont l’auxiliaire de la mère, alors que les garçons peuvent être considérés comme des « petits rois » à la maison et sont considérés comme des personnes comme les autres à l’école.
Votre livre à la forme d’un appel. Que préconisez-vous ? Des écoles unisexes comme on a en connu ?
Le constat sur la « fracture sexuée » ne doit donc pas déboucher sur une remise en cause systématique de la mixité dans les classes, mais il nous oblige à réfléchir sur la manière de gérer dans le quotidien cette réalité..
Il n’est plus possible de se contenter de gérer une mixité, qui serait seulement mettre des garçons et des filles ensemble avec l’intention de ne pratiquer aucune différenciation basée sur le genre. Il n’est pas sûr que des classes séparées puisse diminuer l’échec scolaire massif dans notre pays des garçons, et elles peuvent, selon certaines études étrangères, renforcer les stéréotypes sexuels, encourager l’ignorance et le préjudice envers l’autre sexe, accentuer les différences dans l’éducation…. Le choix n’est sans doute pas dans des classes totalement séparées garçons-filles et le maintien de classes mixtes sans réflexion sur le vivre ensemble et les démarches pédagogiques à mettre en œuvre.
Il faut sans doute dans certaines disciplines, certains apprentissages, organiser des activités pour toute la classe et des activités séparées par sexe pour mieux prendre en compte dans le cadre d’une pédagogie différenciée les rythmes et les approches de chacun. On l’a vu en France, dans le cadre des cours d’éducation physique et des cours d’éducation sexuelle, il est possible de prévoir des groupes non mixtes.
La classe de 4e de collège est la classe où la différence de maturité entre filles et garçons apparaît le plus souvent comme la plus importante, où la crise d’identité masculine est la plus présente. Il faut donc pour éviter de « faire perdre la face » à des garçons rencontrant des difficultés, d’éviter par des interrogations orales au tableau de rendre public les insuffisances des plus faibles. Il faut veiller à équilibrer les interactions, les interrogations dans la classe pour que ne se forme pas un groupe de garçons qui comme le disent souvent les enseignants, se désintéressant d’un cours qui ne les intéressent pas, en n’arrêtant de regarder par la fenêtre ou en ne restant pas à leur place. Cette classe de 4e qu’on peut qualifier de « tous les dangers », car elle est la classe de l’adolescence, de l’orientation, où se développent parfois l’absentéisme et le décrochage scolaire masculin, il est nécessaire de réfléchir à une bonne mixité des enseignants y intervenant. Il faut veiller, en particulier, à ce que les enseignants de ce niveau ne soient pas exclusivement des femmes.
Il m’apparaît également indispensable d’avoir des réunions sur l’orientation filles-garçons séparées pour leur présenter la richesse des métiers possibles et pouvoir travailler spécifiquement sur les questions liées aux difficultés d’orientation des garçons , notamment de ceux en échec scolaire.
Il faudrait sans doute développer des campagnes pour expliquer aux garçons qu’ils peuvent être enseignants, médecins, juges, assistants sociaux, autant de professions où la faiblesse du nombre d’hommes peut poser problème demain à la société. …..
Mes fonctions m’amènent à suivre la scolarité en formation professionnelle des professeurs des écoles reçus au concours et effectuant leur stage dans les départements de l’académie de Créteil. Parmi les reçus, il y a environ 16% de garçons. Or, au moment du jury de titularisation, parmi les jeunes stagiaires perçus comme en difficulté, il y a 55% de garçons pour 45% de filles.
Visiblement, au vu de ces chiffres, les garçons ne sont pas bien reçus dans toutes les écoles par leurs collègues femmes, alors qu’il y aurait lieu de se féliciter de la diversification des personnels intervenant devant les élèves, notamment pour travailler à éviter les échecs des jeunes garçons à l’école primaire. Il y a dans ce domaine un effort à faire pour que l’égalité et la diversité de genre garçons-filles soient une réalité parmi les enseignants permettant ainsi de mieux donner des repères identitaires aux jeunes.
Ces difficultés à pouvoir s’insérer pour un stage dans une entreprise pour obtenir un diplôme professionnel pèsent sur l’estime et l’image de soi que peuvent avoir d’eux-mêmes les garçons. Ils disent ne pas être jugés pour ce qu’ils sont réellement, mais par rapport à des préjugés les dévalorisant par rapport aux filles.
Il n’est pas étonnant que de telles réalités donnent « du grain à moudre » à certaines idéologies condamnables rabaissant l’image de la femme et visant à exacerber et à survaloriser les comportements virils. Pour combattre ces idéologies, et c’est une nécessité, il faut non seulement le dénoncer, mais s’attaquer vraiment à la racine des maux, en ayant soin de faire que dans tous les domaines de la vie quotidienne, il y ait une vraie égalité homme/femme.
Il n’est pas possible d’avoir pour une société plus de 100 000 garçons sortant en échec scolaire du système éducatif.
La République se doit dans les années qui viennent de sauver les garçons, sinon ses valeurs d’égalité apparaîtront pour des pans entiers de la société comme des paroles sans sens et non des actes, donnant ainsi des armes à certains groupements pour combattre y compris par la violence, notre modèle de société démocratique et remettre en cause l’égalité des droits des filles et des garçons.
Résoudre l’échec scolaire précoce massif des garçons, c’est redonner de l’ESPOIR et du sentiment commun d’appartenance à des jeunes en crise, en quête, d’identité. Quel beau défi pour une société !