Sauvons les garçons !


Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’I.U.F.M. de Créteil, alerte sur une réalité qui dérange : notre société patriarcale valorise le sexe fort ; or, à l’école, il devient aujourd’hui le deuxième sexe. La majorité des jeunes en situation d’échec scolaire sont des garçons : la fracture sexuée est plus déterminante que la fracture sociale. Sur 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, 100 000 sont des garçons. Certes, toutes les filles ne réussissent pas ; tous les garçons n’échouent pas mais, chiffres de l’Education Nationale à l’appui, en tous milieux sociaux – plus encore ceux de moindre capital économico-culturel –, l’échec scolaire menace le masculin. En cause, le poids considérable des stéréotypes sexués véhiculés par l’éducation familiale, l’école et les media : ils déterminent l’image de soi des filles et des garçons.

En société de domination masculine, on développe chez la petite fille les qualités d’écoute et d’ordre ; on stimule son langage par la conversation. Habituées au respect des codes, les filles s’adaptent à l’école qu’elles surinvestissent car elles y trouvent reconnaissance et émancipation. À l’inverse, on valorise chez le petit garçon les qualités physiques, la force et l’adresse tout en le sollicitant moins dans l’échange verbal : en conséquence, à l’entrée en C.P., il dispose en moyenne de 500 mots et la fillette de 1200. C’est de là, selon l’auteur, que découlent les différences des parcours scolaires.

Convaincus de leur supériorité, les garçons associent l’affirmation d’eux-mêmes à l’indiscipline, la rébellion, la dévalorisation des savoirs scolaires : plus inadaptés que les filles aux codes de l’école, ils souffrent aujourd’hui davantage qu’elles de la répartition sexuée des rôles. De plus, les enseignants reproduisent inconsciemment ces stéréotypes sexués, tout en refusant de reconnaître, par égalitarisme plus que par principe d’égalité, que les aptitudes, les goûts, les rythmes d’apprentissage diffèrent selon le sexe. Parents et enseignants devraient prendre conscience de l’importance du risque d’échec scolaire des garçons et mettre à distance les représentations collectives que l’on croit naturelles. Aujourd’hui, « le masculin l’emporte sur le féminin » en grammaire seulement .